saison 2011 – 2012 : le conte des quatre bougies

 

Les Quatre Bougies

Conte de la ronde du 10 Décembre 2011

On était au dernier jour de l’année, la nuit tombait déjà. C’était un de ces moments magiques où le temps semble suspendu entre passé et futur et où la frontière entre conte et réalité devient si petite qu’on peut passer de l’un à l’autre sans presque s’en rendre compte…

Sous le ciel étoilé, à l’abri d’un vieux mur, brûlaient quatre bougies. Un enfant vint à passer, qui s’arrêta.

– « Bonsoir. Vous êtes bien belles », dit l’enfant aux quatre bougies.

Les bougies remercièrent en inclinant leur flamme imprécise vers l’enfant.

L’enfant regarda la première bougie.

« Que tu es jolie ! Tu es aussi blanche que la neige qui couronne mes montagnes ! Qui es-tu ? Pourquoi ta flamme tremble-t-elle ainsi? »

« Bonsoir, enfant, dit la bougie, je suis la Paix.

Je suis sourire du matin,

Je suis agneau, je suis colombe,

Je suis le lys de ton jardin,

Je suis douceur du soir qui tombe.

Sans moi, les hommes vivent dans la peur, le chagrin et la souffrance. Sans moi, ils se déchirent et se battent. Sans moi, le sourire, la musique et la poésie ne sont plus que des fantômes.

Mais trop d’hommes pensent que la Paix ne vaut rien pour leurs affaires, que la Paix n’est qu’ennui et préfèrent la guerre.

Ma flamme tremble car personne n’arrive à me maintenir allumer. Je crois que je vais m’éteindre »

 

Et lentement la première bougie s’éteignit. Les étoiles dans le ciel pâlirent un peu.

L’enfant, troublé, se tourna vers la seconde bougie.

« Que tu es jolie! Tu es aussi bleue que le ciel de mon pays! Qui es-tu? Pourquoi ta flamme tremble-t-elle ainsi? » 

 

« Bonsoir, enfant, dit la bougie. Je suis la Foi.

Je suis la force de ton cœur,

Je suis tenace et sans raison,

Je suis le pas du voyageur,

Je suis l’écho d’une chanson.

Sans moi, les hommes ne savent plus déplacer les montagnes. Sans moi, l’homme ne croit plus en l’homme. Sans moi, les rêves n’ont plus cours et l’avenir est un désert.

Mais trop d’hommes pensent que la Foi ne sert à rien.

Ma flamme tremble car je me meurs. »

Et lentement la seconde bougie s’éteignit. Les étoiles dans le ciel pâlirent davantage.

L’enfant, effrayé, se tourna vers la troisième bougie.

« Que tu es jolie! Tu es aussi rouge que les flammes dans la cheminée de ma maison! Qui es-tu? Pourquoi ta flamme tremble-t-elle ainsi? »

 

« Bonsoir, enfant, dit la bougie. Je suis l’Amour.

Je suis un cœur qui bat, qui bat,

Je suis regard, je suis folie,

Je suis refuge et tracas,

Je suis le sens de toute vie.

Sans moi, les hommes sont si petits, si mesquins!

Sans moi, leur vie ne sert à rien.

Mais trop d’hommes pensent que l’Amour est une faiblesse et s’efforcent de l’ignorer. Certains sont trop égoïstes pour aimer ou trop pressés.

Ma flamme tremble car les personnes me laissent de côté et ne comprennent pas mon importance. Elles oublient même d’aimer ceux qui sont proches d’eux. »

Et lentement la troisième bougie s’éteignit ; Les étoiles dans le ciel devinrent transparentes.

L’enfant, au bord des larmes, se tourna vers la quatrième bougie.

« Que tu es jolie! Tu es couleur de mes prairies quand le printemps chez nous revient !

Qui es-tu? Pourquoi ta flamme tremble-t-elle ainsi? Vas-tu t’éteindre toi aussi et me laisser seul dans le noir?»

« Bonsoir enfant, dit la bougie. Je suis l’Espoir.

Je suis celui qui reste encore

Quand tout paraît s’être arrêté.

Je suis la lueur de l’aurore,

La fenêtre d’un prisonnier.

Sans moi, les hommes s’arrêtent sur le bord du chemin et n’arrivent plus à avancer. Sans moi, se fanent les fleurs et s’arrêtent les chansons. Sans moi le ciel est sans couleur et la joie une illusion.

Mais ne crains rien, aussi longtemps que je brûlerai dans ton cœur, rien ne sera perdu à jamais. Regarde-moi. »

 

 

L’enfant regarda la bougie. La flamme s’élevait haute et claire et dansait devant ses yeux. L’enfant prit l’Espoir entre ses mains. Il en approcha la flamme des bougies éteintes et la Paix, la Foi et l’Amour reprirent vie.

Alors les étoiles brillèrent à nouveau de tout leur éclat. Et l’enfant, en souriant, s’endormit.

Chacun de nous est cet enfant. Aussi longtemps que nous saurons garder l’espoir au fond du cœur, tout restera possible.